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IT'S BRITNEY, BITCH !




Le 02 Octobre dernier, je me suis levée très tôt pour me diriger vers les frontières Ouzbeks-Turkmènes.

Le poste frontalier ouvre à 9h.


Mon guide m’avait demandé d’y passer dès l’ouverture en me disant que nous avions beaucoup de route à faire et qu’il fallait donc partir le plus tôt possible.


J’ai fait les 35 minutes de route qui séparaient mon hôtel des douanes Ouzbeks en taxi.

Je suis arrivée au poste à 8h50.


Pour une raison qui m’est inconnue, ils n’ont ouvert le passage, ce jour -là, qu’à 9h30.


Je suis donc devant le grillage de la porte d’accès au poste frontalier et j’attends.

Nous sommes 4.

Un homme Ouzbek et sa vieille mère, un touriste japonais et moi.


À 9h30 ,on nous fait signe d’entrer et de prendre place sur une chaise dans la tite cabane des douanes.


On s’occupe d’abord de l’homme ouzbek et de sa mère qui passent directement de l’autre côté.


Un militaire vient nous voir, le japonais et moi, et nous demande nos passeports et lettres d’inviation du ministère de l’immigration turkmène.


Pour pouvoir entrer au Turkménistan, tu dois d’abord obtenir une lettre d’invitation du ministère de l’immigration, ensuite tu obtiens un visa à l’aide de celle-ci.


Depuis 2019, il est obligatoire d’être accompagné par une agence turkmène pour obtenir cette lettre d’invitation.

Plus aucun visa n’est émis sans preuve d’achat d’un tour accompagné.


 Avant, le ministère de l’immigration pouvait allouer un visa de passage, valide pour 5 jours, aux gens qui étaient en transit ou qui souhaitaient passer les frontières en voiture.


Maintenant, il est impératif d’être accompagné tout au long du séjour et plus aucun vol ne fait de transit par le Turkménistan.


Je présente donc mon passeport et ma lettre d’invitation.


Le Japonais présente son passeport, mais il n’a pas en sa possession de lettre d’invitation.

Le militaire lui dit qu’il ne pourra pas passer et il lui demande de quitter.

Le Japonais tente poliment de convaincre l’agent des douanes de le laisser traverser en lui disant qu’il s’est réservé un vol au départ d’Achgabat sans savoir qu’il avait besoin d’un visa pour s’y rendre. L’agent refuse et l’escorte vers la sortie.


On vérifie mes papiers, estampe mon passeport et on me dirige vers la sortie où je retrouve l’ouzbek et sa vieille mère.


Le militaire nous ouvre une porte en barbelé, dis quelques mots en russe puis me regarde :

-Walk. Straight ahead. No photo. No video.


Je me retrouve devant une route en semi-garnotte-sable-asphalte décomposée.

L’entrée du « no man’s land ».

C’est une zone tampon,militarisée, entre les deux pays.


Je commence à marcher.


J’ai sur mes épaules mon sac à dos qui pèse environ 5 kilos puis ma valise de cabine qui en pèse 10, que j’essaie tant bien que mal de faire rouler. Je m’arrête un instant pour débloquer une des roues dans laquelle une roche s’est coincée. Je regarde à l’entour de moi et je prend conscience du paysage qui m’entoure.


Des clôtures de barbelés, de la végétation qui se meurt et du sable, à perte de vue.

Que ça.


À ce moment-là, je me dis : « Eh ciboire… Cayo Coco, ça te tentait pas ? Tu pouvais pas faire comme tout le monde pis rêver d’avoir une plus grosse maison, un char de l’année, une famille? Aller au Mexique l’hiver pis en camping l’été ? Bin non ! Marche dans le sable pis la garnotte avec ta valise à roulette vers le royaume de la dictature, fille. C’est surement ici, entre deux barbelés que tu vas trouver réponses à tes grandes questions existentielles à la con. »


J’étais figée à me demander ce que je faisais là.

Pis ça m’a frappé.

Y'a comme un nuage noir qui m’a percuté l’cœur pis l’corps en même temps.

J’aurais pas envie d’être où que ce soit d’autre.

Pas plus envie d’être ici qu’ailleurs.

Personne qui m’attend nulle part, anyway.

Pus le goût de rien.


Comme si le désert dans lequel je me tenais, ce grand vide, m’envahissait l'esprit pis que les barbelés qui m’entouraient, eux, me tordaient le cœur, d’un coup.


Je me suis secoué la tête.

Fuck that shit ! Enwaye, marche !


J’avais lu qu’il y avait environ 1.7 km à faire, dans le désert, entre les 2 pays, pour le passage aux frontières, mais il n’y a pas réellement une telle distance à marcher. On atteint, après environ ½ kilomètre, un bâtiment où un militaire turkmène nous attend et nous fait embarquer dans une navette pour effectuer la balance du trajet.


Une fois arrivée au poste turkmène, on prend possession de mes bagages et on me dirige vers ce qui va s’avérer être Étape 1.


Étape 1 : Présentation du passeport et lettre d’invitation.


Un sympathique militaire prend mes documents, me regarde de la tête aux pieds et me dit, sourire aux lèvres : « Britney Spears »

-Haha. No. Claudine Lussier…

Il rit.

Il vérifie mes papiers. Il regarde mon passeport, puis me regarde, encore et encore… Il me demande mon âge.

-40 ans.


Il appelle un superviseur.


Conversation en turkmène.


Le superviseur me regarde :

-En quelle année êtes-vous née ?

- 1983.

- Je vais devoir vous demander une deuxième pièce d’identité avec photo prouvant votre date de naissance svp.


Je sors mon permis de conduire du Québec et mon permis international pour qu’ils aient la traduction en Russe.


Je sais très bien que c’est parce qu’ils sont étonnés de mes 40 ans.

Ce n'est pas la première fois que ça m’arrive.

Pas parce que c’est moi personnellement, mais les femmes « nordiques », on est particulièrement bien conservées, comparativement à d’autres.


Les femmes dans ce coin-ci du globe, à 40 ans, elles n’ont pas l’air de toi pis moi…

Le soleil, la chaleur, le sable…ça t’abîme une peau assez rapidement…


On me remet mes documents et on me demande de passer à l’étape 2.


Étape deux : Visa.


Je me présente au comptoir des visas où l’on doit imprimer celui-ci dans mon passeport.

J’entend dans le CB du gars des visas : blablabla en Turkmène…Britney Spears…


Le militaire me regarde arriver tout sourire et me dit : « Hey Britney »

- Ha ha ! Unfortunately no, it’s just Claudine Lussier.


Il conserve mon passeport et me dit de passer à l’étape 3.


Étape 3 : La banque.


Et là, c’est telllement long…


Au comptoir de la banque, on me fait remplir et signer 6 documents puis on me réclame 110$ USD pour un paquet d’affaires que je ne comprends pas, mais j’ai l’argent, je paye.

On me remet 6 bons d’échange bleus que je dois conserver pour la durée de mon séjour.

On me dirige vers l’étape 4.


Étape 4 : Le médecin.


J’entre dans une salle fermée où un docteur et une infirmière m’accueillent avec un test de dépistage Covid.


Pendant qu’il est en train de m’enfoncer le Q-tips dans le nez, le médecin regarde l’infirmière et lui dit quelque chose en Turkmène suivi de « Britney » et ils se mettent à rire.

Je sens que c’est rempli de bienveillance, les turkmènes sont des gens très respectueux. Ils me taquinent, tout simplement.


Pourtant, je ne ressemble en RIEN à Britney Spears.

Ni du visage, ni de la shape, ni du portefeuille malheureusement !

C’est clairement juste les cheveux qui font ça …


Bref, je leur présente ma preuve de vaccination puis ils procèdent à un examen de routine.

Inspire, expire, ouvre la bouche, check-up des oreilles…

J’attends une dizaine de minutes mon résultat au test Covid.

Négatif.

On me dirige vers l’étape 5.


Étape 5 : vérification des bagages.


Deux militaires se tiennent, dans une salle, en face d’une table où sont déposés mon sac à dos et ma valise.

Je marche vers eux.

-Britney, Britney ,Britney…come in…

Le premier inspecte en profondeur le contenu de mes 2 bagages.

L’autre me pose des questions :

-Automatique, semi-automatique, bombe , grenade ?


C’est tu bête, j’ai tout laissé ça à maison ! que je me dis.


-Non

-Ordinateur, cellulaire ?

-Oui, les deux.


Il me demande de les sortir.


-Avez-vous un VPN ou tout autre application qui permet une connexion externe à internet ?

-Oui, j’ai un VPN sur mes deux appareils.

-Désinstallez les applications svp.

Je supprime mon VPN de sur mon cell et mon ordi.


On me remet mes bagages et on me dirige vers étape 6.


Étape 6 : Les règlements.


Je passe à un comptoir où un homme tient mon passeport. Il me demande mon itinéraire. Je sors le descriptif de mon circuit et lui remet. Il prend quelques minutes pour analyser le tout.


-Pourquoi avez-vous choisi le Turkménistan ?

Et merde…j’ai l’impression d’être dans un entretient d’embauche pas préparé !

-Euh…parce que ça semble être le plus beau pays du monde ?

-Fermez votre cellulaire maintenant, svp. Vous ne pourrez l’ouvrir que quand votre guide vous dira que vous pouvez le faire. Ne prenez aucune photo ou vidéo sans son autorisation. Restez avec votre guide en tout temps et ne dérogez pas de l’itinéraire préétablie. Vous n’avez pas le droit de circuler seule à l’extérieure du centre d’Achgabat sous peine de déportation, à vos frais.


Ah ! c’est juste de la déportation ! Pas mal moins pire que l’emprisonnement comme j’avais lu sur certain blogue !


-Parfait


Il me tend mon passeport et me dit en riant :

-Welcome to Turkmenistan, Britney !


Il m’accompagne jusqu’à la porte de sortie et me dit de marcher jusqu’au grillage où un dernier contrôle de papier sera effectué par son collègue qui m’ouvrira la porte.


En m’éloignant, je l’entends prendre son Walki Talki et dire quelque chose à son collègue, dont je ne comprends rien d’autre que « Britney ».


Faque arrivée face au militaire qui me regardait marcher vers lui, avec un large sourire, je ne sais pas ce qui m’a pris, c’est sortie tout de seul, mais je lui ai tendu ma paperasse en lui disant:

- It’s Britney, bitch !


Immédiatement suivi de :

-I’m sorry, I'm sorry, I’m so sorry, it’s the song, you know…


Heureusement, il a ri fort.


Ils sont vraiment , vraiment très accueillants et sympathiques les Turkmènes !


Et c’est comme ça, après environ 3h au poste frontalier, que les portes du royaume se sont ouvertes à Britney...


P.S. Bin oui, j'ai pris des photos discrètement, même si je ne pouvais pas...

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