LA FOIS OÙ J'AI DÉVALISÉ UN WESTERN UNION

Obtenir de l’argent comptant en Argentine, c’est un défi de taille.

Les guichets automatiques n’acceptent ni les cartes débit ni les cartes de crédits canadiennes.

En fait, la seule banque qui accepte nos cartes a un plafond de retrait de 5000 ARS (l’équivalent de 8$ cad) et il en coûte 12$USD de frais…

Le seul moyen d’obtenir des fonds, c’est de s’auto-transférer de l’argent par Western union et d’aller le chercher à un de leurs comptoirs.

Je me crée donc un compte western union, la semaine dernière et je tente de me faire un virement en Argentine de 800$.

Je quittais le Lundi suivant pour le désert et je savais que, dans ce secteur, les paiements par cartes de crédits ne sont que très rarement acceptés.

Ça me prenait de la liquidité.

Je tente donc de me virer 800$.

Le système me dit que le montant est trop élevé.

J’essaie 600$.

Le système l’accepte.

Je me rends au bureau western Union au coin de ma rue.

Le commis me regarde et me dit : « Je n’ai pas autant de liquidité, je ne peux pas encaisser le transfert. »

Je me rends à un deuxième comptoir, puis un troisième : Même problème.

Ils ne détiennent pas assez d’argent comptant pour encaisser mon transfert.

Je marche les 20 minutes qui me séparent du main office de western union.

Arrivée au comptoir, la fille prend mon numéro de référence, me regarde et passe la remarque en hochant la tête : Mais pourquoi autant d’argent ?

Je comprends que 600$ c’est plus pour eux que pour nous, mais je me dis à moi-même : Calvaire, je te demande pas un retrait de 10 000$, je te demande 600$ !

Je la regarde avec un air de : "J’ai pas de réponse à t’offrir !"

Elle me demande mon passeport et je vois qu’elle enchaîne une série de billet qui n’en fini plus de finir dans le compteur automatique. Plus elle en met, plus je me dis : "Elle va pas me donner tout ça ?"

La machine s’arrête.

572 688 pesos.

Tout en bill de 1000, de 500 et de 200.

Il y a tellement de billets que ça ne passe même pas sous la fente de sa petite fenêtre de sécurité.

Un billet de 1000 ARS, ça vaut 1.63$ CAD

Le 200 ARS, c’est une couple de cennes.

Ca c’est l’équivalent que si tu vas chez Desjardins, que tu demande un retrait de 6000$ et que la dame au comptoir te donne 6000$ en coupures de 5$ et de 10$.

N’importe quoi.

Je lui demande si elle n’aurait pas de plus grandes coupures à m’offrir.

Elle me fait signe que non.

Je vide littéralement son comptoir.

Elle sort de son box, mets la pile de billets devant moi et me dit : "Bonne journée!"

Je regarde la montagne de billets puis je penche la tête pour me regarder.

J’ai un problème, là !

Je suis en petite robe soleil. Je n’ai rien d’autre sur moi qu’un sac banane dans lequel mon cellulaire rentre de travers bin serré.

Comment je vais faire pour trimbaler tout cet argent-là ???

Je regarde la fille qui est retournée dans son box et je lui demande un sac.

Elle me dit qu’elle n’en a pas et je lis dans son regard : "Arrange-toi avec tes problèmes de bourgeois.

Tu voulais toute cet argent-là, DEAL WITH IT."

Je prends deux liasses que je me sacre dans la brassière, je ramasse le reste avec mes deux mains et je me dis : bon, bin, Go !

Je sors du Western Union et sur le porche, je réalise le ridicule de la situation.

Je vais me balader 20 minutes en plein centre-ville avec l’équivalent de 600$ canadien en petite coupure, dans les mains, à la vue de tous.

Je pense un instant aux nombreux judicieux conseils que je donne toujours à mes voyageurs :

Ne trimbalez jamais trop d’argent comptant.

Faites preuve de prudence quand vous sortez de l’argent de votre portefeuille.

N’amenez rien de grande valeur.

Blablabla…

Et moi je suis là, sur le porche du Western Union, avec une montagne de billet et 20 minutes de marche à faire.

Faites ce que je dis, pas ce que je fais ?

Bravo championne.

Là tu te dis peut-être : « Mais t’aurais pus prendre un taxi ? »

Bin non !

Les taxis, à mendoza, tu dois les appeler quelques heures d’avance. Si tu en veux un dans l’immédiat, tu dois te rendre au stand de taxi… qui se trouve à être à côté de chez moi.

Et Uber est d'une inefficacité surprenante, à Mendoza.

Pas le choix, j’me décide donc à entamer la marche jusqu’à chez moi en me disant : "C’est aujourd’hui que ça se passe. Je vais me faire sauter dessus. Je vais manger une volé pour 600$ canadien."

Bah.

Entre toi pis moi, m’être fait attaquer, j’me serais même pas défendu.

J’aurais tout donné pis j’aurais mis ça dans la colonne des pertes ou plutôt dans la colonne « leçon de vie : ne jamais aller retirer 600$ en Argentine sans amener de sac à dos. »

Direct en sortant du commerce et en tournant le coin de l’avenue San Martin, je vois, à environ 100 mètres de moi, un Preventor.( c’est la police de Mendoza)

Plus je marche vers lui, plus je vois les traits de son visage, à prime abord plutôt zen, se transformer pour laisser place à une expression de WTF ?!

Sa tête fait de constant aller-retour entre moi et la direction d’où je proviens.

Je sais pertinemment qu’il attend de voir apparaître quelqu’un qui cours « au voleur » derrière moi pour reprendre son dû, mais bien entendu, ça n’arrive pas.

Il se dit sans doute : « Mais putain, qu’est-ce qu’elle fait ? Mais qu’est-ce qui se passe ? Elle vient clairement de voler une banque. Est-ce que je devrais intervenir ? »

Je passe devant lui en lui faisant un sourire un peu gêné.

À peine passé devant lui, il se met à marcher derrière moi.

Le preventor m’a suivi durant les 20 minutes de marche, jusqu’à l’entrée de mon appartement.

Il ne s’est jamais adressé à moi et je ne lui ai pas parlé.

Je ne sais pas s’il m’a suivi pour ma sécurité, par prévention (c’est son mandat après tout ! ) ou en se disant que si un commerce déclarait un vol, il saurait où trouver le coupable !

Toujours est-il que j’ai traversé Mendoza avec une pile de cash dans les mains en me faisant regarder de travers, escortée d’un preventor et qu’il ne m’est rien arrivé.

Parfois, je m’étonne d’avoir un si bon karma !

Si tu passes un jour par l’Argentine, précommande beaucoup de devises avant ton arrivée ou prévois un sac à dos pour aller chez Western Union…